Née à Kalemie dans la province de Tanganyika, Mymy Fabienne MUKULUMOYA, vit actuellement à Lubumbashi. Elle est l’aînée d’une famille de trois enfants, mariée et mère de quatre enfants, dont une fille et trois garçons. Juriste de formation, Fabienne a également un master en Criminologie de l’Université de Lubumbashi (UNILU). Cette dame est une personnalité publique en RDC, elle assure les fonctions de Secrétaire Exécutif Provincial à la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) dans la province du Haut-Katanga.
Fabienne a effectué une partie de ses études primaires à Kasongo dans la province du Maniema. Études qu’elle finira au lycée Tuendelee à Lubumbashi où elle continuera ses humanités pour obtenir son diplôme d’Etat. Dans le périple de la vie d’une famille des fonctionnaires de l’Etat, elle a eu l’occasion, dans sa petite enfance, de découvrir plusieurs villes du pays, dont Kinshasa, Bandundu Kindu et Kasongo. Elle eut aussi l’occasion dans sa vie professionnelle de visiter l’ensemble des provinces de la RDC dans leur ancienne configuration.

Cette semaine, le desk femme de globalinfos.net est allé découvrir cette femme qui s’est lancée tôt dans la vie professionnelle et incarne un leadership de qualité.

Parlez-nous de vos débuts Mme Fabienne !

(Sourire) J’ai commencé la vie professionnelle très tôt, encore étudiante. En effet, dans ma curiosité d’apprendre, je ne voulais pas rester inoccupée. Je me suis donc intéressée lors de mes vacances de troisième graduat aux questions de droits humains, notamment au Centre des Droits de l’Homme et du Droit Humanitaire, CDH en sigle où j’ai effectué mon stage jusqu’à la reprise des cours en première licence. C’est à l’issue de ce stage que je vais être contacté par le responsable du CDH pour solliciter mes services comme chargée de la cellule femme ; car la dame qui s’en occupait était appelée à d’autres fonctions. Tout est donc parti de là. Il faut dire également que dans mon engagement en tant jeune dans l’Eglise, j’ai aussi eu à assumer plusieurs responsabilités qui ont contribué largement à la formation intégrale de l’être que je suis. C’est dans ce cadre-là que j’ai appris à animer des émissions radio-télévisées, j’ai appris le travail bénévole et j’ai construit ma vie spirituelle. J’étais encore aux humanités. Bref, j’ai su combiner les études et le travail (dans la société et envers l’Eglise).
Après ma licence, je n’ai pas eu du mal à m’intégrer dans le monde professionnel. J’avais alors décidé de me dévouer complètement au CDH où j’ai trouvé plusieurs opportunités. La plus grande fut cette formation de neuf mois comme femme leader dans la culture de la paix et gestion des conflits, organisée dans le cadre de la décennie sur la paix, par l’institut de spiritualité Maria Malkia dirigée, à l’époque, par la sœur Marie Bernard. Ensemble avec les autres femmes dont Clotilde et Florence, nous avions mis sur pied, à l’issue de cette formation l’organisation des femmes juristes du Katanga (SOFEJUR) dont la vocation était de promouvoir et de défendre les droits de la femme vulnérable. J’étais vice-présidente de cette structure. C’était une belle expérience de la solidarité féminine.

Plusieurs femmes juristes, peu importe leur branche (avocate, magistrats, conseillères juridiques), s’étaient mises ensemble pour la cause de la femme. Mais bien au-delà, la formation avait accouché d’une « Maison de la femme » pour l’encadrement des femmes dans plusieurs domaines. J’ai été chargée du réseau des femmes leaders ayant suivi la formation. Il faut dire également que dans le souci de bien défendre les droits des femmes vulnérables, je me suis inscrite au barreau de Lubumbashi. Je n’ai pas pu aller plus loin, parce qu’une année après, je serai appelée à travailler à la CENI.

Son recrutement à la CENI, fruit d’un courage sans faille

Pour mieux vous expliquer comment j’ai été engagée à la CENI, laissez-moi vous rappeler que la CENI aujourd’hui, hier CEI (commission électorale indépendante) est le fruit du Dialogue Inter-congolais. C’est l’une des Institutions d’appui à la démocratie instituées par la Constitution de transition. A l’époque, le cadre de concertation des femmes auquel je faisais partie était très engagé dans des actions pour le retour de la paix. La maison de la femme a aussi évolué dans le même sens d’éducation à la paix et la promotion du leadership féminin. C’est au regard de cet engagement que je serai recrutée en mai 2005 à la CENI (CEI). Cet engagement m’obligera à quitter Lubumbashi pour aller vivre à Kinshasa pendant une dizaine d’années avant d’y retourner aujourd’hui comme Secrétaire Exécutif Provincial.
Il faut préciser qu’entre les deux fonctions ou contrat, j’ai travaillé à la Conférence Épiscopale Nationale du Congo, plus précisément à la « Commission Episcopale Justice et paix » comme chargée du réseau des femmes de l’Eglise catholique, la structure appelée « Dynamique des femmes Pour le Développement et Paix ». J’avais également la fonction d’assistante administrative à la CEJP et de chargée des élections pendant une année au moins. C’est en 2014, que la CENI me propose de rentrer à Lubumbashi comme Secrétaire Exécutif Provincial dans le Haut-Katanga. Fonction que j’occupe jusqu’à ce jour.

Quels sont les défis relevés et dont vous êtes fière en tant que femme ?

Bien qu’il ne soit pas trop aisé de parler des défis, il importe d’en relever quelques-uns.
Le premier, qui me semble être le plus essentiel, est celui de lier le rôle d’épouse à celui de mère et de travailleuse ; savoir répondre avec efficacité et bravoure à chacune de ces différentes vocations. Mais l’attitude toujours positive, me permet de braver ces obstacles, de franchir les barrières. Un autre défi est celui de l’assurance à bien faire les choses. Ceci sous-entend le défi de l’acceptation en tant que femme dans le milieu professionnel. Ce n’est pas évident. La société exige beaucoup aux femmes : des compétences, des valeurs morales et d’éthique, la maturité, Bref, le savoir, le savoir-être et le savoir-faire si bien qu’on pourrait douter de ses propres capacités. Du coup, quand on est femme dans le monde professionnel, on devra veiller sur tous les détails. Ce qui n’est pas nécessairement le cas pour l’être masculin. Cette attitude de la société nous amène, je vais parler de moi, m’amène, quelquefois, à me remettre en question, à m’interroger ou dans l’extrême, à manquer par moment de l’assurance ou la confiance personnelle. La vérité, c’est que nous faisons face à plusieurs défis de type très différents. Je pourrai même dire qu’au lieu de le prendre négativement ce défi, je le prends plutôt comme une opportunité qui me permet de m’asseoir mon assurance ou la confiance en moi. C’est donc à grâce ces préjugés, que je me dévoue davantage à mon travail, je m’informe, je me forme pour être à la hauteur et répondre aux attentes de la société. Au fait, les regards des gens nous permettent de nous mirer et de nous améliorer.

La vérité, c’est que nous faisons face à plusieurs défis de type très différents. Mais, celui que voudrai évoquer maintenant, je vais l’exprimer plutôt en termes d’un souhait. Je voudrai parler de la perception de la femme envers l’autre femme. Comment la femme voit-elle une autre femme ? La femme travailleuse en souffre particulièrement. Elles sont très rares les autres femmes qui apprécient les autres femmes, celles qui vous conseillent et vous encouragent, celles qui ne cherchent pas plutôt que vous leur cédez votre place ; celles qui voudraient vous voir évoluer. Les critiques dans les milieux des femmes sont, généralement, négatives. Pourtant, nous sommes peu nombreux dans le milieu professionnel et nous devrions nous soutenir pour plus d’émergence du leadership féminin. Je suis confiante que cette solidarité pourra être perceptible ou effective un jour.

Quelles sont vos perspectives ?

Comme chaque être humain, j’en ai bien beaucoup. J’aimerai, en effet, aussi évoluer dans mon domaine, braver des échelons, expérimenter un autre niveau des responsabilités. Mais je sais que c’est Dieu qui au final décide de la vie de chacun de nous. C’est lui qui a un plan pour chacun de nous si bien qu’il sait, dans sa grandeur, ce que demain nous réserve. Je ne saurai donc pas m’étaler sur les perspectives. Je laisse le plan de Dieu se réaliser sur moi et dans ma vie.

Elle ne regrette rien de son parcours et est fière de la personne qu’elle est devenue

Je ne regrette rien du parcours de ma vie, de l’être que je suis devenu grâce aux efforts de plusieurs. Les conseils, les encouragements, la formation des parents et d’autres personnes au sein de la société m’ont permis de former ma personne, ma personnalité et de devenir l’être que je suis. Ainsi, les échecs ne sont que des leçons. Ils m’apprennent à m’améliorer, à me surmonter, à prendre du courage. C’est pourquoi, je les regarde avec un œil positif, tout en adoptant les formules des auteurs qui pensent que dans la vie, on n’échoue jamais : soit l’on apprend de ses échecs, soit l’on se glorifie de ses réussites. Je ne regrette donc rien au point de vouloir devenir quelqu’un d’autre. S’il m’avait été demandé d’opérer un choix sur la personne, sur ce que je voudrais être, je choisirais de redevenir la même personne. (Sourire).

Quel est votre point de vue sur Implication de la femme en politique en RDC ?

Il y a beaucoup d’avancés sur la question de l’implication de la femme dans la politique. Je l’ai peut-être dit au début de nos échanges. Les premiers moments de mon engagement au sein de la société civile furent concentrés sur la question de la promotion du leadership féminin. En ce moment-là, nous en étions au niveau de la prise de conscience de la femme sur sa contribution dans la construction de la société. Mais aujourd’hui, nous avons largement dépassé le problème de conscience. La question se pose autrement : Comment s’engager dans la politique ? » C’est une question qui révèle deux aspects : comment ? Peut signifier, les stratégies que les femmes devront mettre en œuvre pour accéder à la politique. Mais, « comment » voudrait également s’interroger sur la qualité de l’apport des femmes dans la politique : quelle est la valeur ajoutée de la gestion de la femme ? Comment faire donc référence à la qualité de la participation féminine ? Sur le plan institutionnel, des lois sont en train d’être améliorées pour favoriser la participation de la femme. Dans le récent passé fut adoptée la loi portant modalité d’application des droits des femmes et de la parité. La loi électorale aujourd’hui exemptée au niveau des dépôts des candidatures, la liste qui aligne au moins 50 % des femmes, du paiement des frais de dépôt des candidatures.

Je pense donc que nous sommes au niveau de la consolidation de la participation de la femme. Pour cela, il est nécessaire que les femmes se solidarisent autour du même objectif. Bref, la question de la femme est à prendre dans toute son intégralité. Ne voyons pas seulement la femme intellectuelle du haut de l’estrade. Mais il faut aussi tenir compte de cette grande majorité des femmes qui s’adonne aux activités ménagères et d’agricultures ; et s’interroger sur leur implication et leur appui dans ce combat. Il faut dire qu’il existe un grand fossé entre les deux qu’il faudrait essayer de réduire au maximum pour être certain de parler le même langage.

Adressez un mot particulier à toutes les femmes

Femme, quand nous le voulons, nous le pouvons. Il suffit juste d’accepter, quelques fois, de consentir des sacrifices et surtout de fournir beaucoup d’efforts. Il est vrai qu’il existe des personnes avec des atouts innés de leader. Mais à mon avis, le leadership se construit. Et si on veut se façonner en tant que tel, on le fera. Finalement, c’est la volonté qui dirige nos actions. Je nous encourage chacune à puiser dans ce qu’il y a de meilleur en elle pour participer à ce grand projet de participation de la femme à la gestion de la politique. Pour ce faire, il nous faut rester positif et ne pas nous sous-estimer, avoir confiance en soi et croire au fait que chacun de nous a toujours quelque chose à apporter.

 

Ruth KUTEMBA