Nicole MATANGA SAPATO, Directrice du Musée Nationale de Lubumbashi, est Née le 1 avril, dans la région du Shaba à l’époque de la République du Zaïre, actuellement province du Lualaba dans la ville de Kolwezi. Elle est Issue d’une famille de sept filles dont elle occupe la cinquième place. Nicole est mariée et mère de trois enfants.

Cette semaine, le desk femme de globalinfos.net est allé à la découverte de cette femme que ses proches appellent “soulier d’or”, en référence au nom Sapato que beaucoup connaissent comme étant issu du lingala et qui signifie chaussure ou soulier, et aussi, car elle sait franchir tout ce qu’il y a comme obstacle dans la vie, comme une vraie chaussure solide.

Ses études

À notre époque, la maternelle, était très compliquée, pour ne pas dire qu’il n’y en avait presque pas. J’ai d’abord passé une année au foyer à Maadibisho, une école de couture à Kolwezi, ensuite, j’ai été inscrite à Nyumba ya heri, que beaucoup connaissaient sous l’appellation de Notre Dame, où j’ai fait la deuxième maternelle.
Après, mon inscription a été faite ou prise à l’Institut Ukweli pour l’école primaire, décrochant ainsi mon certificat, six ans après. Ensuite j’ai poursuivi mes études secondaires dans la même école, parcours couronné par l’obtention de mon bac ou mon diplôme d’Etat, option commerciale et administrative avec 64 %.
À l’université, je voulais embrasser la faculté d’économie où j’ai passé une année académique entière, mais cela n’a pas été fructueux, vu que c’était la période post lititi mboka, évènement malheureux survenu sur les cités universitaires au cours duquel bon nombre d’étudiants avaient perdu la vie. S’en est ensuite suivie une ou deux années blanches. Alors, à la reprise des cours, tous les anciens et nouveaux diplômés pendant cette période devaient intégrer différentes facultés, d’où pléthore dans des auditoires, et l’intégration n’a pas été du tout facile . Alors, l’année suivante, j’ai dit à ma sœur que je voulais changer et poursuivre mon cursus dans une autre faculté où il y avait moins de gens pour avoir les cotes méritées.

Une histoire passionnante

Me renseignant, Je me suis rendue compte qu’au département d’histoire, il n’y avait que 12 étudiants, et j’ai opté pour cette branche. Là, j’ai retrouvé la motivation d’étudier. Tout se déroulait bien, et en deuxième graduat, j’ai même frôlé la distinction en obtenant 68,9 %. C’est plutôt en troisième graduat ainsi qu’en licence, que j’ai vu mon rêve se réaliser, j’ai obtenu mon diplôme de licence avec la mention distinction, j’étais très contente (rire).
Une fois, un bon matin à la maison, j’apprends qu’il y a une formation de 18 mois organisée par les Français en Sciences de l’information et de la documentation, là j’étais à Kolwezi . N’ayant pas d’occupations, je suis venue à Lubumbashi pour suivre ladite formation, elle m’avait porté chance (sourire). C’est là que le Directeur du musée de Lubumbashi en ce temps-là, le professeur Muya WABITANKO Donatien d’heureuse mémoire viendra suivre la séance d’exposé et ce jour-là, c’est moi qui exposais. Je parlais de l’illettrisme sous plusieurs formes et j’ai dit qu’il y a des licenciés illustrés. Sans le savoir le Directeur Muya a dit, je la prendrai au musée et après formation, la dame qui était notre coordinatrice m’a prise comme administratrice adjointe à l’alliance franco-congolaise et, c’est là qu’a commencé ma carrière professionnelle.

Un début difficile

Au début ce n’était pas facile, parce que je n’avais pas la philosophie de l’Alliance Franco-Congolaise et après j’ai pris goût, tout était question du vouloir, de se documenter, d’échanger avec les gens, de chercher et de comprendre ce qu’on doit faire, et à un moment j’assumais même l’intérim de l’administratrice qui n’était plus là.
Pendant ce temps, nous avons reçu une délégation française à qui il fallait expliquer le fonctionnement de la structure et tout le monde s’attendait à ce que ça puisse capoter, heureusement, j’étais à la hauteur et une bourse de 14 mois pour la France m’avait été promise. J’étais toute contente, je me disais (je pars à Paris) rire.

Lorsque le destin vous appelle

Comme le destin ne nous appartient pas, pendant qu’on se préparait pour cette fameuse bourse, on nomme un administrateur officiel, et les circonstances ont fait que j’étais nommée secrétaire du préfet à l’école française côté golf Malela, quel désarroi ! Là, je ne me retrouvais plus, je m’ennuyais et je dormais, je dormais souvent parce qu’on m’avait ramené à un niveau qui n’était plus mien et c’était comme un petit chemin de calvaire.
Pendant ce temps, le directeur du musée avait obtenu mon engagement, il m’appelle, « Nicole, tu es engagée », làààà, je boude quand même parce qu’à l’Alliance, j’étais très bien payée, finalement, j’ai fini par démissionner à l’alliance pour intégrer le Musée National de Lubumbashi et là, on est en 2003 au mois de septembre.

Un début parsemé par des voyages

J’ai commencé à travailler au Musée où j’ai été engagée directement comme Chef de section éducative. Étant nouvelle, j’ai eu un début difficile. Ici, nous avions une belge, Mme Chantal Tombu qui nous apprenait le fonctionnement du musée parce que pour moi aussi, c’était un nouveau domaine bien que j’avais des notions préliminaires dans les études en histoire.
En 2004 je suis partie en Belgique pour trois mois, c’étaient des jours de travail intense, des moments où tu ne savoures pas du tout l’Europe comme tu le voulais étant jeune. Un rêve brisé, j’avais plus bénéficié en formation qu’en détente en Europe. Après, c’était une suite de mission et de séances de travail pour se distinguer parmi tous, mais surtout parmi les hommes.

Soucieuse d’honorer ses ainés

Mon souci était que le professeur Muya, que j’ai considéré à partir de cet instant comme mon mentor, ne se sente pas lésé dans son choix, mais qu’il soit fier de moi et du haut du ciel où il m’entend, Il était très fier de mon travail. En 2009, une autre opportunité, je suis rentrée en Belgique, mais attention, là, je précise aussi que les belges venait à tout moment pour nous former. C’est comme ça que mon parcours s’est solidifié à travers ces formations.
Ma voie continuait à se tracer, et En 2015, nous sommes partis au Bénin avec mon collègue Monsieur Mikobi Philippe, actuellement, mon directeur adjoint , à l’école du patrimoine africain et les béninois disaient que les congolais sont plus dans la bière et les femmes et, par notre assiduité dans le travail, nous leur avons prouvé le contraire, car nous sommes restés concentrés sur nos objectifs pour relever le défi, et ce, matin, midi et soir sans repos. Après ils nous ont envoyé leurs équipes pour une formation et c’était une fierté pour nous, pour notre Directeur du Musée de Lubumbashi ainsi que notre Directeur Général de l’Institut des Musées Nationaux du Congo à cette époque, le Professeur Joseph Ibongo et pour toute la République.

Comment Nicole a été nommée Directrice du Musée Nationale de Lubumbashi

Après le Bénin, nous sommes partis au Kenya à Nairobi, toujours avec mon collègue Mikobi, où il y a un grand musée avec un service de l’éducation qui avait du renom et était plus venté à travers l’Afrique. Ils ont plusieurs départements et reçoivent près de 1500 élèves par jour, j’ai apprécié le système car les agents du musée n’avaient plus à aller chercher le public car d’après la structure de leur nation, il était obligatoire de passer par le musée au moins trois fois l’an. Car l’Etat l’a déjà ainsi institué
En 2015, le directeur Muya décède, pendant que je séjournais à Nairobi, j’aurai bien aimé l’enterrer (regret) mais je l’avais pleuré à distance. Et quand je suis rentrée au pays après sa mort, la direction générale avait nommé un intérimaire et ce n’était pas moi. Cela ne m’avait pas du tout frustrée. Mais curieusement, près d’une semaine après, la nomination présidentielle tombe et c’est moi, Nicole Matanga Sapato, qu’on nomme comme directrice du musée national de Lubumbashi en 2015, incroyable mais vrai. Je n’avais pas peur de la grandeur ou plutôt de l’ampleur de la charge que j’avais à assumer.
Je n’avais pas fêté, car je m’étais retrouvé dans un climat très instable et surtout quand on mène ethnie et travail comprenez (regret). Et moi, je prônais l’unité dans la diversité culturelle à travers les ateliers. But, acceptation de l’autre.

“Tolérance, endurance et amour” les trois mots qui l’ont beaucoup aidé

Les gens pensaient que ça allait être difficile de combiner le service éducatif et la direction, mais je me suis inspirée du prof Muya, qui combinait et la direction et le service archéologique. Et beaucoup des gens m’ont aidé dans l’administration, m’ont appris la tolérance, l’endurance et l’amour du travail et de tout le monde.
Ces trois facteurs m’ont beaucoup aidé et en 2019 j’ai été sélectionnée pour une formation en Corée. Une fois à Séoul, je me suis dit : « encore une formation ! ». Et je vous avoue qu’ elle était très importante, car nous avons appris la gestion du musée en général, comment faire vivre un musée. Et quand je suis revenue, je pouvais m’exprimer aisément en pesant mes mots et me disant, ça je peux en parler et ça non ! pour l’intérêt de la nation, mes supérieurs, pour le bien-être du musée que j’ai l’honneur de diriger jusqu’à ce jour, etc.

Une bravoure reconnue par le monde extérieur

De Séoul, j’ai participé au colloque international à Kinshasa pour parler du musée et là, j’ai fait connaissance du directeur général du musée du Gabon. Il dit : « Mme Nicole, je vous ai observée et je pense que vous êtes à un bon poste et vous méritez ce poste », A moi de lui dire, : « mais vous ne me connaissais pas ». Et à lui de retorquer, Il m’a dit : « je vous ai entendue parler, et je me suis dit, celle-là est à un niveau scientifique plus élevé que moi-même ». Imaginez mon émotion. Je ne pouvais pas cerner, je ne pouvais jamais m’attendre à un tel compliment venant de quelq’un pour qui j’avais beaucoup d’estime.
Et ne dit-on pas, c’est ce qu’on reflète qui te donne le courage d’améliorer. Voilà, en bref, c’est en ça que se résume mon petit parcours professionnel.
Je suis toujours à l’écoute de ma hiérarchie en qui je suis reconnaissante de la confiance placée en moi. Je salue tous mes Directeurs généraux de l’Institut des Musées Nationaux du Congo qui se sont succédé et je les remercie pour tout.

Les défis majeurs  relevés

Le défi relevé était de prouver que la femme, si elle est à un poste, elle n’est pas femme, mais homme avec grand H ! Et les gens qui arrivent ici disent souvent “tu te comportes comme un homme’’ et je réplique un homme, c’est qui ? nous sommes tous hommes avec grand “H” c’est un défi que j’ai pu relever et le reste avance très bien avec la collaboration de tous, de tout le personnel.

Projets à venir

Je voudrais que ce musée national de Lubumbashi demeure un espace scientifique où les gens viennent pour lire, se documenter , visiter nos collections et produire des travaux scientifiques. Que ça ne soit pas seulement un lieu où les gens se disent, on a vu le squelette, le masque… C’est bien beau (rire) mais mon plus grand souci est d’en faire un lieu de rencontre scientifique où les étudiants viennent de leurs pleins gré, pas par obligation dans le cadre des Travaux Pratiques. J’aimerai que le musée soit exploité dans toute sa profondeur.

La femme appelée à bannir la peur

Je demanderai à la femme congolaise, quand tu as la possibilité d’étudier, il faut le faire et sois sûre. Il y a une vie après chaque étude faite et qu’il y a toujours un travail dans la société, que cela soit pour l’homme ou la femme, donc, toi, fille, toi, femme, ne sois, pas découragée, va, va, lances-toi, bats-toi, la lueur est au bout du chemin.
Quand vous avez une promotion parmi tant d’hommes, dites-vous tête haute que je vais réussir et n’étudiez pas seulement pour être dans un bureau, non ! Mais se dire que je le fais pour être utile à la société et on est utile à la société dans plusieurs secteurs. Il est donc grand temps que la femme congolaise se réveille, pas uniquement dans la politique où je la vois plus souvent. Mais qu’elle s’exprime et qu’elle défende les droits des autres femmes (rire).

Nicole MATANGA SAPATO, appelée par ses proches “soulier” et elle-même a ajouté « soulier d’or” Elle justifie cette appellation par le fait que le soulier, n’a peur de rien. Il piétine partout, même dans l’eau : « il faut franchir tout ce qu’il y a comme obstacle et C’est ça Nicole (rire) merci de vous être intéressé à moi Ruth (rire).

 

RUTH KUTEMBA